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Led Zeppelin I

Black Mountain Side

Encore un grand écart stylistique. Page toujours à la guitare acoustique, mais le jeu et l'inspiration n'ont plus grand chose à voir avec le folk en coton de Your Time Is Gonna Come. La mélodie de ce morceau est très proche de celle du Black Water Side, de Bert Jansch (pas du tout crédité, comme d'habitude), mais ce que l'Histoire retiendra plutôt de cette Mountain, c'est qu'il s'agit d'un authentique sommet obscur du premier album. Alors qu'en concert, Page proposait des versions fleuves de ce morceau pouvant atteindre le quart d'heure, ici, le titre est réduit à l'essentiel, devenant un petit intermède instrumental calé entre deux morceaux exceptionnels. Attention, Black Mountain Side est bien, lui aussi, un morceau exceptionnel, et si les versions live en solo, toujours couplées au White Summer des Yardbirds, tournent parfois vite en rond, celle-ci, avec ses tablas envoûtants - qui évitent notamment à Page de se perdre dans les méandres du morceau - est excellente et pourrait sans doute durer quelques minutes de plus sans qu'on se mette à bailler, vu le côté hypnotique du rythme tricoté par la guitare et les percussions. Et la mayonnaise monte doucement, Page se montrant, à quelques microsecondes d'intervalle, tantôt caressant (surtout au début), tantôt brutal (un peu plus tard dans le morceau), enfin, bref, Jimmy comme on l'aime quoi. A noter que Viram Jasani, le joueur de tablas, est l'un des rares musiciens extérieurs au Zep à être mentionnés sur la pochette (l'autre exemple qui me vient étant Ian Stewart, sur Boogie with Stu).

Communication Breakdown

Le morceau le plus accrocheur et hard de ce disque, et je suppose qu'avec sa guitare rythmique soupe au lait qui se libère d'un coup, il a dû faire son petit effet auprès des fans de rock lourd à la sortie de l'album. Pas aussi explosif que les versions que le Zep en donnait en concert à la même époque, c'est quand même une belle petite bombinette, qui nous pète à la tronche pour de bon quand Page déboule avec ce solo imparable, dans lequel aucune note n'est superflue. Ce solo, le refrain doivent encore presque tout au blues classique, mais on a déjà basculé dans une radicalité inédite pour l'époque (enfin, Hendrix, Clapton, Beck ou Blackmore, par exemple, travaillaient quand même dans la même direction), une sorte de frénésie, mais qui à aucun moment n'échappe à la maîtrise du groupe, alors que sur les morceaux plus tardifs, même en studio, les soli deviendront progressivement plus longs, moins ciselés, moins marquants peut-être aussi. Idem pour les compositions, les morceaux du Zep, même les très bons, à partir de Led Zep II, ressembleront souvent à des assemblages un peu hétéroclites (Wanton Song est un bon exemple), alors qu'ici, Page donne encore toute la mesure de son talent de compositeur de pop music concise. Bon, sinon, comme sur les autres chansons du disque, les paroles sont d'une bêtise abyssale. C'est peut-être la raison qui a poussé le Zeppelin arrivé à maturité à délaisser quelque peu ce titre spectaculaire, alors qu'en 69, on n'aurait pas imaginé un show sans lui...

Led Zeppelin

I Can't Quit You Baby

Le deuxième vrai blues de Led Zep I. Aussi, un morceau que je passe fréquemment quand j'écoute l'album. Déjà, parce que je préfère nettement la version plus crue présente sur Coda, même si celle-ci est loin d'être anecdotique. On sent sur ce titre une volonté de jouer une sorte de de blues atomique, supersonique, genre blues du 3ème millénaire, et c'est bien là le problème. Je suis pas sûr, d'ailleurs, que ce genre d'intentions (chercher coûte que coûte à métisser le blues, histoire de lui faire voir du pays, ou simplement vouloir le mettre au goût du jour) aboutisse souvent à des résultats convaincants. Jones a retrouvé sa basse et assure un rythmique tranquille avec Bonham (qui tape quand même comme un sourd, à certains moments, notamment vers la moitié du solo de guitare), ici, c'est Page et Plant qui font le show. Le premier en usant et abusant de divers effets sonores censément impressionnants (mais même à l'époque, certains guitaristes étaient plus rapides et plus fluides que lui), de soli fulgurants mais bavards, et de petits riffs heavy, comme ça en passant, qui n'étaient sans doute pas dans le morceau original, dont Page s'est paraît-il très largement inspiré (un blues d'Otis Rush je crois bien, jamais entendu). Le second en braillant, très sincèrement je suppose, mais d'une façon qui paraît au mieux très naïve, au pire lourdement démonstrative, pour quiconque fréquente même sporadiquement le rayon blues de sa médiathèque préférée. Pourtant, tous les ingrédients du bon blues zeppelinien sont présents sur You Shook Me et I Can't quit you Baby, mais il y a encore trop de grumeaux pour que ce soit vraiment goûteux, ou si vous préférez, trop d'idées musicales contradictoires pour que ça marche. Enfin, je dis ça, mais la formule est déjà plutôt au point sur d'autres titres, moins franchement influencés par les douze mesures, comme Dazed and Confused ou... How Many More Times...

How Many More Times

Sur ce morceau, tout ce qui était gênant ou pénible dans Dazed and Confused ou I Can't Quit You Baby se trouve miraculeusement changé en or. Déjà, il y a ce riff 24 carats, très simple, mais qui vous vrille le cerveau comme rarement. Il s'inspire ouvertement du standard How Many More Years, mais, un peu comme celui de Whole Lotta Love, il fait naître chez l'auditeur de tout autres sensations que l'original, malgré les vagues similitudes de surface. Alors d'accord, chacune des notes du riff est tout droit sortie de ce bon vieux blues, mais sur ce dernier titre de l'album, le Zep a déjà largué les amarres, ils ne joueront d'ailleurs plus jamais les douze mesures classiques sur les albums qui suivront, ou alors, seulement sous forme d'hommage très très appuyé, presque second degré (Bring It On Home). Le morceau est long, sinueux, expérimental, comme Dazed and Confused, avec des arrêts inopinés, des explosions soniques, des sons apocalyptiques de guitare étouffée jouée avec un archet, des tonnes de reverb, des couches et des couches de guitare solo qui se superposent, créant moult rythmes et harmonies étranges (vaguement démodés, aussi, soit dit en passant). Au milieu de la chanson, on a tout de même un maëlström assez réjouissant, finalement, avec des sons qui apparaissent, passent d'un haut parleur à l'autre, et repartent comme ça, dziiiong, comme des étoiles filantes, il y a des guitares sursaturées mais étonnament en retrait dans le mixage, enfin bref, y a du boulot, niveau production. Dans la catégorie "film pour les oreilles", celui-là a de plutôt jolies couleurs. Et à la fin du morceau, hop, un nouveau riff excellent, funky, bluesy, sexy, tout ce qu'on voudra, avec enfin ce swing mortel qui faisait défaut aux blues purs et durs du disque, puis, de retour après toutes ces belles divagations, notre riff de départ, venant s'écraser le plus naturellement du monde dans une ultime explosion, achevant d'abasourdir (et d'assourdir) les quelques curieux-chanceux ayant prêté l'oreille au nouveau projet de l'ancien artificier des Yardbirds. Ils n'ont encore rien entendu...

Led Zeppelin

Led Zeppelin I

> Good Times Bad Times > Baby I'm Gonna Leave You > You Shook Me > Dazed And Confused > Your Time is Gonna Come > Black Mountain Side > Communication Breakdown > I Can't Quit You Baby > How Many More Times

Good Times Bad Times

La meilleure chanson d'ouverture d'un album de Led Zep, ex-aequo avec In The Evening (et We're Gonna Groove)? On a l'impression que dès la première note du premier album, Page/Plant/Jones/Bonham étaient décidés à prouver que leur musique était la plus explosive et la plus puissante du moment, avec cette guitare solo déchaînée sur presque toute la chanson, et Plant qui passe d'un chant pop et mélodieux, avec des harmonies vocales qu'on ne retrouvera pas si souvent par la suite, à des miaulements pré-hard rock teintés de soul. Rien que l'ouverture à la guitare est magistrale, qui s'enchaîne avec une partie de batterie sonnant vraiment comme un élément clé de la chanson et pas juste comme une bête rythmique qui soutient la guitare. On sent que Bonham veut nous montrer d'entrée de jeu ce qu'il sait faire de ses dix doigts (on le verrait presque jongler avec ses baguettes comme sur ces versions précoces de Communication Breakdown vues sur le DVD), sans jamais tomber dans la démonstration technique stérile - sa frappe précise contribue autant que la guitare et la basse à la dynamique du morceau. La chanson en elle-même est remarquablement écrite, avec cette idée curieuse de changer le couplet en cours de route, un refrain super prenant évoquant la période Yardbirds, et bon sang, ce solo explosif de Page, déjà l'un de ses meilleurs, il y met toutes ses tripes pour atomiser la galerie. Surtout, contrairement à d'autres chansons du disque, celle-ci impressionne d'un bout à l'autre par sa grande fluidité, malgré le foisonnement des idées et des sonorités. Elle est d'ailleurs très courte, un concentré d'efficacité, comme on dit chez Paic. Bref, j'adore cette chanson, et je m'étonne qu'elle n'ait pas été jouée plus souvent en concert (la seule vraie version live que j'en ai date de la période Page/Plant)...

Babe I'm Gonna Leave You

Ce qui est vraiment bien, sur cette chanson un peu schizophrène, c'est le jeu de guitare folk de Page, qui n'est pas un picking charmant ou décoratif, comme on aurait pu s'y attendre (ce qui aurait creusé un fossé infranchissable entre couplet acoustique et refrain électrique), mais se révèle déjà très sauvage. Page tire sur les cordes d'une façon très sèche, un peu comme le grand Bert Jansch dans ses versions destroy de musiques traditionnelles anglaises - sur d'autres morceaux, comme Bron-Yr-Aur ou Going to California, il saura se montrer parfaitement capable de jouer tout en douceur. Mais ce couplet déjà aride n'est qu'un amuse-gueule comparé à la partie électrique, qui est encore plus violente et mélodramatique - peut-être même un peu trop d'ailleurs. Celui qui a le plus de mal à doser ses effets est sans doute Robert Plant, qui hurle vraiment très, très fort. Notamment quand il nous balance ses fameux "wooooooooooooooooooooo-oh Baaaaaaaaaaa-ybe... Baaaaaaaaaaaa-ybe" en plein dans les tympans, là, vraiment, ça fait mal... Dommage, car le morceau ne manque pas de charme - l'adaptation qu'en jouaient Page et Plant sur leur tournée 98 était même carrément superbe, intégralement électrique, et nettement moins outrée que cette version studio. Sinon, ici, on entend aussi çà et là une guitare flamenca, intéressante, mais qui vient encore ajouter à l'outrance. D'autres idées de production - elles ne manquent pas, les quelques notes de guitare électrique solo vers le milieu, ou la guitare slide très étouffée, apportent à la chanson une touche étrange typiquement pagienne, que l'on retrouvera avec plus de plaisir encore sur les compos à tiroirs plus abouties des disques qui suivront.

You Shook Me

Une joie, d'emblée : ce son! Elles sont superbes, les guitares fuzzy, bourdonnantes, du premier album. Plus jeune, je préférais nettement les sonorités live de Page (Les Paul Standard + mur de Marshall, à savourer sur How The West Was Won), distorsion grasse et bien épaisse, mais maintenant, je sais aussi apprécier cette ambiance encore très sixties, qui commence pourtant à évoluer vers quelque chose de plus massif. A part ça, la chanson en version Led Zep I n'est pas mal, mais pas encore tout à fait mûre ; il y manque le petit balancement louche qui fait les grands blues - comme ceux d'Howlin' Wolf, par exemple, qui ne faisait certes pas toujours dans la dentelle, mais avait toujours ce truc un peu bancal qui rendait les choses intéressantes. Sur ce morceau, la recette du Led Zep d'alors, qui fait merveille sur un Good Times Bad Times, disons, avec toute cette énergie, cette virtuosité, cette fougue, très canalisées d'ailleurs, ne prend pas tout à fait, et l'enchaînement bien sage de ces soli très appliqués de guitare, d'orgue, d'harmonica, paraît presque hors sujet. Enfin, ne soyons pas trop sévère, You Shook Me reste une bien bonne chanson, même dans cette version studio. Certains enregistrements live ultérieurs, qui sonneront moins guindés, plus spontanés, me paraissent cependant bien supérieurs. Le petit jeu du chat et de la souris entre la guitare et la voix, tout au long du morceau, puis en questions-réponses à la fin, n'est pas mal non plus, si on veut, mais je le préfère aussi lorsqu'il est poussé à son comble, sur scène - définitivement le terrain de jeu le plus adapté aux expérimentations bluesy du jeune Zeppelin.

Led Zeppelin

Dazed and Confused

Cette fameuse intro m'a toujours semblé dix mille fois plus bluesy que tous les blues de Led Zep I réunis, prouvant que lorsque Led Zeppelin se réapproprie le genre, et ne cherche plus à le jouer de façon trop orthodoxe, il peut nous livrer certains de ses tout meilleurs morceaux (Black Dog, When the Levee Breaks...). Après, autant j'adore le riff et toute la partie qui va avec ("I've been Dazed and Confused, etc."), autant je décroche vite dès que la chanson commence à partir dans toutes les directions. Tous ces effets sonores, avec l'archet et tout ça, étaient peut-être impressionnants à l'époque, aujourd'hui, ils semblent franchement datés. Il y a comme ça plusieurs passages obligés dans la chanson (ce moment où le tempo accélère, et que Page se lance dans ce solo tournoyant - et très puissant par ailleurs, à défaut d'être réellement épatant, du point de vue de la mélodie), qui ne sont finalement pas si grandioses qu'ils voudraient en avoir l'air. Le côté "suite psychédélique", "semi-délire millimétré" de la chanson me gêne un peu lorsque je l'écoute maintenant. Quant aux versions live, comme pour Moby Dick, il est bien rare que je parvienne à les écouter jusqu'au bout, il m'arrive même encore de zapper le morceau au bout de deux minutes trente. Ce qui est moins souvent le cas pour des chansons comme Whole Lotta Love ou How Many More Times, qui supportent mieux l'étirement, peut-être parce qu'elles s'encombrent moins de tout cet attirail d'expérimentations sonores. Ou alors... Est-ce qu'il faut être déchiré pour prendre toute la mesure de ce Dazed and Confused ? Déchiré? avec quoi?

Your Time is Gonna Come

Encore une chanson parfaite, un peu pop psychédélique, un peu folk, surtout, une chanson très mélodieuse. L'intro à l'orgue est particulièrement raffinée, et ne ressemble à rien d'autre sur ce disque - qui est décidément très varié. Le mariage de l'orgue et de la guitare acoustique rend le morceau très chaleureux, et encore une fois, la frappe lourde de Bonham ajoute une dimension supplémentaire de rugosité à une musique plutôt tendre par ailleurs. Plant chante de fort belle manière - au lieu de hurler à la mort - des paroles ineptes et pas tellement dans le ton du morceau, mais bon, qui écoute les paroles des chansons du Zep? A part ça, il y aussi une très jolie partie de pedal steel, qui contribue à la douceur ambiante. Le refrain aussi est impeccable, très ancré dans son époque (les choeurs), sans sonner kitsch pour autant. Bref, goûtez-la, cette belle chanson simple et caressante - par la suite, le Zeppelin ne nous prendra pas si souvent par les sentiments...