Qui c'est Michael Powers, le dernier catcheur à la mode? Perdu, c'est un bluesman, de premier choix, classe internationale, m'assure le patron du club (un type fort affable, pour pas dire ultra commerçant/cial, drôle de gars avec une tronche de Mickey Rourke, pas un Noir, pas un Blanc, plutôt... un Orange, comme sorti d'un tournage de sitcom sans être passé par la case démaquillage). Je ne sais pas si Michael Powers est vraiment le meilleur bluesman du monde, je ne sais pas non plus si les deux pintes absorbées avant le premier set m'ont aidé à apprécier le show, en tout cas je lui dois une bonne heure et demie de plaisir musical sans arrière pensée. Peut-être en va-t-il du blues comme de la Guinness : plus on le consomme près de son lieu de production, meilleur il est. Commencer le concert seul à la Stratocaster par une reprise déchirante d'un titre de Love, et enchaîner par une délicate ballade d'inspiration hendrixienne (le genre qui vous rappelle que même les plus beaux châteaux de sable finissent toujours engloutis par les vagues), voilà qui n'est pas si banal pour un bluesman électrique. Powers joue à domicile, comme on le dirait d'une équipe de foot, et il a décidé de prendre tout son temps pour installer l'ambiance mélancolique qui lui sied ce soir. Une façon aussi de rappeler que le blues est autant un état d'esprit, un état d'âme, qu'un style codifié. Éclectisme, donc, l'unité émergeant au fur et à mesure de ce beau son de guitare presque clair mais tranchant et de la voix chaleureuse de Powers, comme si le gars avait un ampli à lampes dans la gorge et nous une bonne lampée de bourbon dans la nôtre. Blues lent (I can't quit you) ou plus funky, juste en duo avec un bassiste sobrement efficace lors du premier set, tout passe sans effort et à aucun moment la simplicité du dispositif ne se fait sentir. Morceaux longs, on s'en rend compte après coup, sans virtuosité inutile, sont-ils si nombreux, les musiciens qui savent brancher directement leurs guitares sur leur âme? Juste jouer, parce que c'est bon. Powers ne s'interdit rien, et c'est ce qui rend ses blues les plus classiques si savoureux, même dans ce pré carré de 5 notes et 3 accords archi labouré avant lui (il est de la génération Buddy Guy, peut-être un peu plus jeune?), il trace une multitude de sillons rythmiques et mélodiques neufs, ça peut durer deux secondes ou un quart d'heure mais qu'importe, et l'air de rien, il en tracera sans doute d'autres encore à son prochain gig. Le deuxième set est d'ailleurs une grosse jam en trio à partir de deux morceaux très différents. Le premier, « Istanbul » (le patron du troquet : « je connais pas la Turquie mais j'imagine bien ce que ça doit être de rouler là-bas dans le désert avec les cactus et tout ça », un bon point pour lui, Istanbul est bien une ville de Turquie), open tuning, consonances « orientales » et l'occasion de lâcher quelques salves de pyrotechnie, pour le bonheur des petits et des grands. Puis pour finir avec classe, un morceau lent, imprégné de blues mais s'aventurant lui aussi un peu plus loin que les douze mesures réglementaires, en terrain rock. Impeccable. CD dispo à la fin du concert, pas pris, je ne garde que la magie éphémère de ce beau moment de blues du XXIème siècle.